dimanche 18 janvier 2009

8.

Je joue du luth.
C'est assez encombrant.
L'étui de forme bizarroïde m'arrive à la taille et a la corpulence d'un enfant, la souplesse en moins.
Pourtant son allure intrigante m'attire régulièrement des manifestations de sympathies auxquelles je ne sais jamais trop comment réagir. (Mode méfiant) "Qu'est-ce que c'est ? - Un tuba." (Mode pédant) "Qu'est-ce que c'est ? - C'est un luth, un luth baroque." (Mode rougissant) "Qu'est-ce que c'est ? - Un luth. - Vous en jouez ? Vous êtes professionnelle ? - Oh, non... - C'est pas grave, ça va venir !" car oui, il est inscrit sur mon visage que je suis destinée à devenir une grande concertiste.
Mais pas seulement. Ainsi en montant dans un wagon mon luth et moi croisons-nous souvent quelques regards exaspérés qui se transforment en expressions de soulagements dès que leurs auteurs se rendent compte que non, nous n'allons pas leur jouer un medley de folklore parisien avant de passer parmi eux merci.
Voire quelques attitudes franchement agressives, comme cette dame qui persistait à clamer qu'"il allait pas prendre deux places, le violon". Il n'a pas réagi, évidemment. Ce n'était pas bien malin de s'adresser à lui comme ça. D'abord il n'a pas d'oreilles. En aurait-il eu, il n'a pas de petites pattes. En aurait-il eu, je doute qu'il se soit reconnu dans une apostrophe aussi cavalière.
Mon luth a sa fierté.
Non, finalement, l'attitude que je préfère est peut-être encore celle des passants qui, apercevant la silhouette singulière, s'exclament : "Oh ! Une grande chaussure !"

1 commentaire:

Julien a dit…

Première fois que je tombe sur ce blog, pourtant j'ai du commencer le luth à peine avant sa création.

J'ai souvent des remarques étranges, c'est plutôt amusant quand même !!

Le théorbe en TGV doit être redoutable également. Pour ma part je ne suis jamais très content d'être forcé de transporter mon petit luth renaissance, c'est vraiment peu pratique et c'est source d'inquiétude.

Bon luth !