mercredi 31 mars 2010

De l'autre côté du mur

Comme dans certains cauchemars, où l'on entend quelqu'un dire précisément ce que l'on craint d'entendre de sa bouche.
Quelque chose de surprenant. Quelque chose d'un peu monstrueux. Quelque chose de violent. Quelque chose qui vous atteint.
Quelque chose, vous le savez obscurément, qui révèle davantage sur ce que vous pensez de cette personne, ou de vous-même, que sur cette personne en réalité.
Au réveil, on est heureux de se rendre compte que ces paroles, on ne les a entendues qu'en rêve. On ferme la porte de cette réalité parallèle. Le sol est rassurant. Il ne s'y passe que des choses prévisibles. Chacun est ce qu'il est.
Seulement voilà, cette fois-ci, je ne me suis pas réveillée.
Je vis encore à l'intérieur du cauchemar.
Non pas parce que c'est affreux, mais parce que je n'arrive pas à me réveiller.
Je n'ai, ces jours-ci, pas plus de prise sur le réel que dans un rêve.

lundi 29 mars 2010

25.

Pas de luth ces jours-ci.
Cette idée qui me tourne en tête, obsédante, point mes entrailles, crispe mon front.
Quelque chose que j'ai appris récemment. Que je comprends fort bien. Qui n'a rien de choquant. Qui me plaît plutôt. Mais surprenant. Et qui jette un éclairage nouveau sur toutes ces dernières années et l'ensemble de mes relations avec vous.
Et soudain le monde me semble dangereux.
Toutes mes forces sont bandées, non pas contre cette vérité nouvelle, mais pour en palper les contours, la texture, les possibilités.
Je vis sur mes gardes, avec précautions.
Le sol sur lequel je marchais, je ne suis plus certaine que ce ne soit pas un plafond. Comme si j'étais déjà passée à travers. Comme si je les avais toujours confondus. Ma tête tourne.
Quelquefois en passant je caresse mon luth qui murmure timidement.
Pas assez d'espace en ce moment dans ma tête pour le faire résonner.
Je voudrais prendre une grande inspiration, m'emplir d'air sonnant, jouer du luth.

mercredi 17 mars 2010

24.

Je joue du luth et le but n'est pas tant la fin de la pièce que la recherche du beau son. Le but est le chemin, non son terme. Je joue du luth lentement, polissant chaque note.
Et ces temps-ci ce qui me travaille est la double contrainte de ma main droite - le pouce pour les basses, majeur, index, annulaire pour le chant. Il me faudrait jouer les basses avec décision, le pouce droit comme un morceau de bois, le chant avec émotion, les doigts souples comme un voile ondoyant. Raidir l'un, laisser flotter les autres.
Chacune de ces nécessités contamine l'autre.
J’œuvre à faire de ma main deux mains - ou une main faite de deux matières, l'une poreuse, l'autre non, comme les billes d’agate.

lundi 15 mars 2010

Les mots volés

C'est à peine un blog, ici.

Pas de catégories. Pas d'étiquettes. Pas de liens, pas de Facebook, de Twitter, d'icônes ludiques. A peine des commentaires. Je n'utilise que du bout des doigts les possibilités de l'outil.

Ces mots pourraient aussi bien être consignés dans les pages d'un petit carnet.

Mais curieusement ils sont plus sûrement anonymes ici, exposés à tous et au milieu de tous, que chez moi, cachés au fond d'un tiroir.

Nul ne viendra les chercher.

Comme au flanc d'une falaise battue de vent, que seuls les oiseaux de mer peuvent atteindre.

vendredi 12 mars 2010

23.

Chacun à présent s'interroge. Comment quelqu'un d'aussi gai a-t-il pu soudainement se tuer ?
Mais moi je sais. Ils auraient tous été si surpris.
Nul d'entre nous ne confie ses idées noires. Un bon fils, une bonne fille ne cause pas d'inquiétude à ses parents. Il ne laisse pas paraître ce qui le ronge. Comme le petit spartiate de l'histoire, il se laisse dévorer de l'intérieur, sans un cri.
Jusqu'au moment où la souffrance est trop grande pour la porter seul ; mais alors à qui la dire ? C'est quelque chose que nous n'avons jamais appris.
Il est tout seul à présent, et pour toujours.
Plus personne ne pourra jamais lui offrir une oreille compréhensive.
Je joue du luth.

jeudi 11 mars 2010

22.

Ce rythme m'obsède. Comment rompre la transmission ?
A la première génération, il y eut quatre filles, aucun garçon. La quatrième de ces maudites filles en subit une telle culpabilité qu'elle donna par la suite toujours raison aux garçons, jamais aux filles, et fut une mère froide, assujettie à un mari discrètement tyrannique.
A la seconde génération, deux filles, deux garçons.
Le dernier de ces enfants, un garçon, vint tardivement, alors qu'une sourde guerre minait ses parents. Sa mère reporta toute son affection sur lui.
Le dernier de ces enfants, mon oncle, s'est tranché les veines à la veille de la saint Valentin dernière.
C'était un homme généreux, drôle, intelligent, beau. Je n'aurais pas imaginé tant pleurer.
Il était aimé de tous, et à présent il est mort.