mercredi 9 novembre 2011

Version

Mon rêve s'achevait sur cette phrase si élégante qu'elle m'a tirée du sommeil pour la noter aussitôt.

Mais à mesure que je sortais des brumes, je réalisais que la phrase ne devait son élégance qu'à un manque de mots qui la rendait incompréhensible - écrite dans un style télégraphique, formée d'idées et non de mots liés.

Ainsi peu à peu pour exprimer ce qu'elle voulait dire je devais lui ajouter des mots qui en corrompent la sobriété - comme lors d'une traduction la nécessité parfois d'étendre les tournures fait perdre la belle économie de moyens de la langue d'origine :

"Je vis avec surprise que le lieu où j'avais passé mon enfance avait été échangé pour un autre, bien plus vaste."

jeudi 28 juillet 2011

Les mots manquent

Je pense quotidiennement à vous. A vous aussi, bien sûr. Plusieurs fois. Et à vous aussi, chaque jour, une pensée au moins. Pourtant je ne vous écris plus jamais, je vous parle encore moins.

A vous, je pense un peu moins souvent à présent, mais il ne se passe pas de semaine.

Mais toi, non, si tu savais combien j'ai pensé à toi ces derniers mois.

Et comme cela doit t'indifférer, que j'aie pensé à toi, puisque nous ne nous sommes pas vues du tout, et parlé si peu souvent. A quoi sert donc de tant penser à toi si c'est pour mettre tant de délai entre nous ?

Toi qui es à présent alitée, bien maigre consolation, que j'aie eu tant de pensées pour toi.

Ainsi la vie périt par le délai, et chacun meurt, à se priver de plaisir.

mardi 19 juillet 2011

Chat infini

Mon petit chat est parmi les fleurs. Il reste toujours là maintenant.

Mon petit chat est revenu chez nous, après plusieurs semaines. Il est revenu dans une boîte de fer, une poignée de grains blancs déroutants. Ce sont de petits morceaux d'os. Mais le reste, où est-il ? Où sont les cendres de ces si doux poils très courts, des grands yeux absurdes qui mangeaient cette tête minuscule, de ce ventre parfaitement rond, des organes, des veines, de tout cet équilibre d'humeurs qui faisait ce si gentil petit chat ? Est-ce disparu dans les flammes, ou est-ce, tout cela, devenu cendre si rare et si ténue qu'imperceptible parmi ces pauvres petits os ? Où est passé le petit chat ?

Mon petit chat est parmi ces fleurs où je caresse, à présent, un autre chat.

En écrivant ceci je me tire des larmes que je voudrais si abondantes qu'à jamais soient taries toutes celles que je pourrais verser sur ce petit chat. Mais cela n'arrivera pas.

Par ce temps, par cet orage, jamais je n'aurais laissé mon petit chat dehors.

Il vit à présent d'une vie de terre, parmi les aubépines, les violettes, et le muguet.

dimanche 22 mai 2011

A la suite

Les enfants de ce pays sont grands, forts, bruns, dévoués, courageux, ombrageux, malheureux.

lundi 9 mai 2011

Rêve du tant

C'est ainsi que nous avons passé la nuit, à pleurer ce décor.

C'est sur cette phrase que s'achevait le rêve, juste avant l'aube et le réveil.

Qu'avons-nous à pleurer dans ce décor ?

Un dé-corps.

Une défaite du corps. Un départ du corps. Une disparition du corps ; et le reste, devenu alors à jamais inaccessible lorsque cette porte d'accès qu'était le corps dé-part.

jeudi 10 mars 2011

Après

Nous sommes très cultivés. Nous sommes bêtes à bouffer du foin.

Il faudrait avoir bien peu vécu pour s'accrocher à un titre de gloire vieux de quatorze ans.

jeudi 10 février 2011

Blanc blond

Encore rêvé de toi une de ces nuits dernières.
Je savais que tu allais te tuer, je devais trouver un moyen de te convaincre de ne pas le faire. Et surtout, ne pas te perdre de vue. C'était difficile. Tu disparaissais derrières portes, murs, paravents.
Rêve qui explique peut-être l'écrasante fatigue de ces jours-ci, que la maladie seule ne peut.
Un an dans quelques jours.
Mon oncle aux cheveux blonds presque blancs. Les miens ont tant foncé.
Je suis bien plus âgée à présent que les premiers souvenirs que j'ai de toi. Tu me faisais rire toute gamine en imitant le chat des dessins animés.
Un jour, irréversible à présent, je serai aussi plus âgée que les derniers.